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Politiciens menteurs et hypocrites..

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CAHUZAC

"Spirale du mensonge", "remords", la décision de Jérôme Cahuzac de passer aux aveux après avoir nié pendant plusieurs mois détenir un compte bancaire à l'étranger a surpris l'ensemble de la société, y compris parmi ses amis politiques aux plus hauts sommets de l'Etat.

Pourtant le mensonge fait partie du métier politique au point d'avoir donné naissance à une discipline journalistique: le fact checking, la vérification des déclarations en direct. Mais si le mensonge et le passage aux aveux retentissant de l'ancien ministre du budget resteront dans l'histoire, c'est pour d'autres raisons bien plus humaines. Alors comment en arrive-t-on là? 

Sans juger ni excuser, le psychanalyste et psychothérapeute Pascal Neveu auteur de Mentir, pour mieux vivre ensemble, analyse pour Le HuffPost cette mécanique du mensonge qui a conduit Jérôme Cahuzac à sortir de l'ombre. Qu'est-ce qui a a pu provoquer cette décision? Comment fonctionne cette mécanique du mensonge? Peut-on le croire lorsqu'il parle de remords? Les réponses du psy:

Le HuffPost: Dans ce type de situation, y a-t-il une forme de mécanique du mensonge qui conduit du déni total aux aveux?

Pascal Neveu: L’aveu survient lorsque la pression est trop forte et que nous n’avons aucune solution de fuite. Il aurait fallu que plus personne ne soit à la recherche de la vérité pour que le déni continue. Jérôme Cahuzac étant "traqué", se sachant menteur, il ne pouvait qu’avouer, en espérant que la sentence serait moins terrible. Dans la notion de présumé innocent, il y a aussi la notion de présumé coupable. Même si ce terme judiciaire assure la défense d’un "accusé", cette notion peut devenir insoutenable pour celui qui sait qu’il est coupable et que cela va se savoir.

Comme dans une sorte de paranoïa permanente, chaque regard devient suspect. "Il ou elle sait que je suis coupable!" Cela crée une forme d’état schizoïde, qui rend fou… En ce cas, il n’est plus possible que d’avouer, afin de se débarrasser d’un ressenti très oppressant, omniprésent. Je pense que Jérôme Cahuzac (sans juger de ses actes, cela ne m’appartient pas) a psychiquement vécu de terribles conflits.

Jérôme Cahuzac le dit lui-même, il "s'est enfoncé dans une spirale du mensonge". Dans ce type de situation, qu'est-ce qui provoque la décision de passer aux aveux?

Jérôme Cahuzac avait conscience des conséquences de son mensonge. Je pense, que pris de panique, il n’a donc pu que mentir. Il savait qu’il serait jeté dans la fosse aux lions. Sans doute son erreur a été de ne pas immédiatement en parler au premier ministre. Mais entre désir d’accéder à un poste et devoir de sincérité... Je préfère d’ailleurs le terme sincérité à vérité, car qui détient la vérité? Seul Jérôme Cahuzac sait pourquoi il a transféré cet argent, et pourquoi il a menti. Par sa sincérité lui seul pourrait nous apprendre quel a été le sens de son mensonge.

Et qui n’a jamais menti? Nous mentons au minimum 2-3 fois par jours. Certes, pas pour le même impact symbolique, mais pour les mêmes raisons.

Comment peut-on imaginer qu'il se sentait lorsqu'il a pris cette décision?

Tout comme Nixon lors du Watergate. Il savait que les Américains pardonneraient davantage les faits que son mensonge.

Le croyez-vous quand il parle de "remords"?

Le mensonge est universellement condamné par toutes les religions qui posent la question du bien et du mal. D’ailleurs 55% des français jugent le mensonge comme un pécher capital. La majorité des mensonges sont utilisés afin d’éviter la punition, ou pour protéger l’autre. C’est à dire que nous avons conscience de notre mensonge et de son sens. Or, l’investigation journalistique et judiciaire n’a pas dû laisser l’ancien ministre serein tant la journée que la nuit.

Un bon menteur doit posséder comme autres qualités le cloisonnement (personne ne doit être complice ou partenaire du mensonge), une bonne mémoire et une certaine moralité. Au delà, il s’agit davantage de personnalités souffrant de troubles psychiques, qui n’ont pas conscience de leur mensonge, qui sont dans le déni de réalité.

Qu'a en tête un individu qui s'est enfoncé dans le mensonge quand il s'apprête à avouer? Ses proches? Ses collègues?

N’oublions pas que Jérôme Cahuzac, avant de devenir ministre était chef d’entreprise. L’on pardonne en quelque sorte davantage à un chef d’entreprise qui même s’il annonce préserver l’emploi, délocalisera… c’est d'une certaine manière "attendu". Je pense que Jérôme Cahuzac n’était pas préparé à sa charge ministérielle. Il a paniqué comme un menteur va inconsciemment revivre l’angoisse des mensonges, la peur d’être puni et de perdre l’amour de ses proches. Malheureusement, il va vivre tout à la fois.

Quel rôle joue justement le regard des autres dans ce type de situation?

La condamnation… et dans le cas d’un parjure une sorte de mise à mort. Concernant ses proches, je pense que la réflexion se place à plusieurs strates. Pour la famille c'est la honte, notamment liée au nom de famille (j'en parle dans mon livre), entaché, difficile à porter pour les enfants par exemple.

Quant aux amis, dans ce type de situation ils s'éloignent par peur d'un rejet lié à la proximité de celui qui est déjà condamné moralement.

Enfin les proches de la famille politique s'inscrivent dans le rejet pur et simple, afin de préserver leur carrière; dénoncer cet acte, et le parjure pour conserver une image propre, même si l'on ne réagirait pas tous comme cela.

Quelle est la plus grande difficulté morale à laquelle M. Cahuzac doit faire face aujourd'hui?

La honte du parjure au plus haut sommet de l’Etat, doublée de l’isolement auquel il va être confronté. Il suffit de lire les déclarations du président de la République expliquant que pour un responsable politique, deux vertus s’imposent, l’exemplarité et la vérité, et celles du président de l’Assemblée nationale qui qualifie ce mensonge d’impardonnable… Cahuzac risque de se retrouver comme un paria.

On réclame d’un homme politique un sens de l’honneur, surtout face à une classe politique totalement désavouée. Le fait d'avoir été promis aux plus hauts sommets de l’Etat ajoute à la condamnation, pas seulement judiciaire, mais morale, de ses mensonges répétés, d’autant plus qu'il s'érigeait en victime.

Le contexte national a-t-il joué dans sa décision de tout nier en bloc, puis d'avouer?

Autant un mensonge, une non-vérité, une contre-vérité restent "acceptables", ou du moins pardonnable, pour un appareil politique… autant les électeurs exigent les résultats, promis, espérés. Le contexte de crise économique actuel, et l’appartenance au Parti socialiste, en étant ministre du budget qui plus est - tout un symbole - a dû, dès le départ, torturer l’ancien ministre. Il a été jeté dans la fosse au lions des médias, des Français et de tout l’échiquier politique, son camp politique ne pouvant évidemment le soutenir. On peut parfaitement imaginer le déshonneur, et la culpabilité sincère qu’il porte au fond de son âme.

Repentance et sincérité vont-ils de pair?

Même si on dit à un enfant "faute avouée à demi-pardonnée"… la repentance vient très tardivement, au moment de la publication de l’article du Canard enchaîné, et perd donc en valeur de sincérité.

Jérôme Cahuzac aurait-il dû passer sur le divan? Faire une analyse, cela aurait-il pu l'aider?

J'ai déjà eu des patients qui ont menti dès la première séance alors qu'en analyse, c'est justement un travail sur la vérité qui est demandé... A cause de nos vécus, de nos conflits, nous nous mentons à nous-mêmes. Et c'est précisément là que je situe mon échelle du mensonge: à quel moment nous décrochons de la prise de contact avec notre Moi, en interaction avec l'autre. Le mensonge par omission existe, nous en croisons tous les jours: négliger de livrer un aspect de la vérité, pour se préserver, un passé, qui ne colle pas avec ce que l'on est devenu, un détail jugé "handicapant" ou suspect dans le regard d'autrui... Exemples? Un ex-délinquant qui a changé de vie; un orphelin sur lequel on va porter l'étiquette d'handicapé, ou source de problème... Tout le problème avec ce genre de patient, c'est de les aider à sortir du mensonge. Or, si d'emblée, en séances, la sincérité n'est pas de mise, la relation est tronquée. D'autant plus qu'il n'y a pas de jugement de l'analyste... et le patient fuit, ne revient pas.

Alors, Cahuzac, super menteur ou homme comme les autres?

Nous avons tous été biberonnés à l'école du mensonge, et ce dès l'enfance, par protection bienfaitrice de nos parents, afin de nous protéger d'un monde sans doute trop agressif. D'ailleurs, les animaux eux-mêmes sont capables de mensonge, afin de préserver leurs besoins primaires: non seulement alimentation et reproduction, mais chez une variété de singe, la quête de pouvoir (ils organisent des putsch). Que ce soit le père Noël, l'origine de la conception ou encore le jardin d'Eden notre construction passe par le mensonge.

Je ne peux pratiquer d'analyse sauvage sur Cahuzac. A priori, se pressentant futur politique, il a souhaité régler ce problème fiscal. C'est sans doute la honte par sa proximité avec la gauche qui l'a amené à mentir.

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